ET ILS TOURNENT LEURS YEUX...
Très modestement écrit un tout petit peu à la façon de Charles Péguy, auteur tellement inspirant et qui m'a donné et me donne toujours et encore beaucoup à penser. Bougrement âmes d'hommes Lourdement terre-à-terre Comme la terre est lourde, Bougrement enfoncés des deux pieds sabotés S'enfonçant dans la terre - La terre grasse et lourde de la Terre des hommes - Bougrement englaisés dans la profonde ornière De leur justice d'homme terreusement humaine, Me fassent jouer le rôle, Le pire piètre rôle D'un triste épouvantail au milieu de leurs champs Labourés de mains d'hommes. Comme si Mes moineaux, Mes tout petits moineaux Et les autres oiseaux Du Ciel, Avaient urgent besoin que Je leur fasse peur ! ...
regardez les oiseaux du ciel ... Je
suis las. Las
que ces pauvres âmes,Bougrement aveuglées par les œillères opaques De leur justice d'hommes théâtrale et humaine, Me fassent jouer le rôle, Le pire pitre rôle D'un noir croque-mitaine dans leurs austères temples Bétonnés de main d'hommes. Comme si Mes enfants, Mes tout petits enfants Sur Terre, Avaient urgent besoin que Je leur fasse peur ! ...
laissez venir à Moi les petits enfants ...
Je
suis las. Las qu'ils prennent Ma place Et se plaisent à jouer En Mon nom falsifié, L'unique ultime scène, La dernière et la seule Qui n'appartient qu'à Moi. (Et encore M'en faudra-t-il, du temps, et de l’Éternité pour que Je la joue juste, au tout dernier matin humain que Je tarde à fixer). La scène du Jugement qu'ils appellent dernier Mais que journellement, du matin jusqu'au soir, (Quand ce n'est pas la nuit pour gagner sur le temps), Il Me font jouer faux, Comme une marionnette de bois et de chiffon. Comme une marionnette qui agite ses bras Au rythme saccadé de deux bouts de ficelle Qu'ils se plaisent à tirer, Ces bougres myopes d'hommes, Tantôt - et rarement - en direction du Ciel Et tantôt - trop souvent - direction de l'Enfer, Suivant qu'ils déterminent si Je suis « Pour » ou « contre », Si Je sauve ou Je damne. Je suis las. Las d'être en fin de compte, Toujours et à jamais, L'unique responsable De leurs évènements et de leurs hommeries, De leurs sales combines et de leurs contre-temps, De leurs ternes histoires et de leur Terre-Histoire.
Je suis las d'être assis,
fonctionnaire-bureaucrate À leurs tristes guichets De causes entendues ou de causes-à-effets, De rêves mal ficelés ou d'utopies perdues, De sombres tribunaux ou - C'est bien ça le pire ! - D'épiceries en gros Face à l'entrée desquelles, Dans leurs sabots terreux d'âmes bougrement hommes, Ils quêtent des bons points et des décorations Tout en se dandinant à droite et puis à gauche En serrant dans leurs paumes aux doigts pieusement joints Les papiers quadrillés arrachés à la hâte de leurs cahiers jaunis D'enfants soumis et tièdes. Des papiers chiffonnés, quadrillés et jaunis, Listes interminables De leurs petits besoins et de leur folle envie, De leurs mesquins désirs, De leur course aux miracles.
Je suis las. Las de n'être pas là. Ou plutôt : las d'être assis là-bas Alors que Je suis là. Ou plutôt, disons-le clairement, une bonne fois pour toutes : Las qu'ils Me cherchent en vain En se tordant le cou Tout là-haut tout là-bas, Me maintenant assis, Pour les siècles des siècles, À même les nuées, En plein cœur des nuages ! Hommes bougrement esclaves, Indécrottablement, Et qui se ratatinent, Et qui se rabougrissent, Tout recroquevillés dans une servitude Qui Me déplaît à Moi... Et qui leur plaît à eux. Hommes bougrement terriens, Pétris de servitude moulée par eux, Pour eux. Dans un élan glaiseux d'humilité rampante, Ils s'entêtent, et s'écœurent, Et « s'enâment » à Me voir, à Me représenter Immense et gigantesque, Brandissant d'une main un flamboyant éclair - Sceptre de Ma Puissance, de Ma Force divine qu'ils disent invincible - Et enveloppant de l'autre, quasi jalousement, Un calice d'argent rempli jusqu'à ras bord De Mes royaux bienfaits Que cupide Je garde presque toujours pour moi, Et qu'ils appellent entre eux, À voix tonitruantes, Riches bénédictions, Ou tout doux, à voix basse (des fois que J'entendrais !) Malheureusement rares. Je suis las et pourtant Je suis là. ... Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde ...
Au cœur de leurs vies d'hommes Terreusement terrestres, Au cœur de leurs vies d'âmes Terreusement humaines. Je suis là à jamais. Pour les siècles des siècles. ... Et ils tournent leurs yeux vers le Mont Sinaï ...
Je suis là à jamais, pour la Vie de leurs vies Et, les deux mains ouvertes au bout de leurs longs bras Tendus vers les nuages où ils Me veulent assis Pour les siècles des siècles sur Mon Trône de Gloire, Ils attendent les miettes de Ma Table Royale. Ils attendent ces miettes que Moi, Dieu Tout Puissant, Jaloux et Souverain, D'un revers de Ma manche, ample et désabusé, Je brosserai, peut-être, (Il faut bien, même au ciel faire un brin de ménage !) Pour eux négligemment ! Ils attendent Mes miettes Moins bien que Mes moineaux... ... regardez les oiseaux du ciel ... Moins bien que Mes enfants... ... laissez venir à moi les petits enfants ... Comme de terreux mendiants Ils attendent Mes miettes, Avec la même mine, piteuse et allongée, Puisque dans leur logique Théâtrale et miteuse, il faut, pour recevoir, Que l'on fasse pitié. Ils attendent Mes miettes Avec la peur au ventre Tant ils sont persuadés, Dans leur vision étroite d'hommes bougrement myopes, Que, suivant Mon désir d'Absolu Souverain, Mon Souffle Capricieux poussera « Oui... peut-être ? » ou « Non... probablement ! »... Mes miettes dans leurs mains, Ou alors – « au contraire ! » et « Oui ! évidemment ! »... Dans celles aussi tendues De leur pire ennemi.
Je suis là à jamais. Au cœur de leurs vies d'âmes. Au cœur de leurs vies d'hommes. À leurs pieds de corps d'hommes Au Lavement des pieds. Un jour avant la Pâque de l'Ancien Testament, Je suis là à jamais. ... Et ils tournent leur yeux vers le Mont Sinaï ... Comme si ce Mont-là, le Mont de leurs ancêtres, Devait masquer toujours à leurs regards tournés... Et fixés... et figés sur un lointain passé Ne les regardant plus, Ma vraie Grandeur de Dieu qui Se fait Tout Petit, Ma vraie Toute Puissance qui Se met à genoux En mon Fils dévêtu jusqu'aux reins à leurs pieds, Un jour avant la Pâque Et trois jours avant Pâques. Sera-t-il dit qu'un Dieu, leur Dieu, Qui court à leur rencontre ... alors qu'il était encore loin, son père le vit et fut rempli de compassion; il courut se jeter à son cou et l'embrassa ... Soit un Dieu bien trop tendre Ou un Dieu bien trop Père ? Sera-t-il dit qu'un Dieu, leur Dieu, Qui prend l'initiative (Lui) De les aimer chacun (d'eux) ... notre Père à chacun ... notre Père à chacune ... Soit un Dieu trop patient Ou un Dieu trop intime ? Sera-t-il dit qu'un Dieu, leur Dieu, ... ne savez-vous pas que vous êtes le temple du Saint-Esprit ? ... Qui n'est vraiment chez Lui Qu'à l'intérieur des autres Soit un Dieu bien trop pauvre Ou un Dieu bien trop proche ?
Sera-t-il dit qu'un Dieu, leur Dieu, Qui, dans l'élan Vie-tal De Son cœur à leurs cœurs Les nomme Ses amis (Et non Ses serviteurs... pétris de servitude) Ne leur fasse plus peur et... Qu'ils aiment avoir peur ! Sera-t-il dit qu'après tout ce qu'Il leur a dit, Mon Fils, quand Il était sur terre, Ils n'aient pas compris... ... pour qu'ils tournent leurs yeux vers un lointain passé ne les regardant plus. ... pour qu'ils tournent leurs yeux vers le Mont Sinaï ... Oubliant carrément Le Mont des Oliviers Et le Mont Golgotha Où pour eux sur la Croix Mon Fils, Les bras tendus et les deux mains clouées Leur offrait Mon Amour Tout entier et sans miettes, Le jour même de la Pâque Et trois jours avant Pâques. Sera-t-il vraiment dit, Pour toujours et à vie, À vie terrestre d'homme ? C'est à ne pas y croire !
Et pourtant Moi, dit Dieu, Et pourtant Moi, je crois ! On pourrait même dire Que Je sois le premier À avoir cru vraiment, Sans détours ni malices. Que Je sois le premier, Au travers de mon Fils À avoir cru vraiment... ... il prit alors les cinq pains et les deux poissons, leva les yeux au ciel, dit la bénédiction puis, rompant les pains, les donna aux disciples, qui les donnèrent aux foules ... Il attendaient Mes miettes... ... et tous mangèrent à satiété ... C'est un peu sûrement parce qu'Il savait déjà, Mon Fils au milieu d'eux, Qu'après deux fois de suite De multiplication de pains et de poissons ça ne suffirait pas.
Oui ! C'est sûrement pour cela Qu'un jour avant la Pâque Et trois jours avant Pâques, Mon Fils rompit le pain Pour eux tous en disant : ... prenez et mangez-en car ceci est mon corps ... C'est beaucoup sûrement Parce qu'ils n'ont pas
compris, Mes tout petits enfants Aux âmes bougrement hommes... Oui ! C'est sûrement pour cela Que deux mille ans plus tard, Après deux mille Pâques D'un Nouveau Testament, Ils tournent encore leurs yeux (Comme s'ils le regrettaient) Vers le Mont Sinaï... ... D'où ils attendent encore Que tombent dans leurs mains Les
miettes de Ma Table Où sans eux je festoie Par-delà les nuées ... ... Comme ils aiment à le croire ...
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