Noël / Pèlerin de l'Avent /

21 DÉCEMBRE BOUGIES

Publié le 08/02/2025 par Modotre
                                                         Aquarelle : Jean-Michel Folon

Quelle aubaine, vraiment ! moi qui n'en avais plus depuis la veille au soir, de trouver ce matin, toute neuve, allumée, une blanche bougie en mon calendrier. Pèlerin attendri de tant de prévenances, à genoux j'ai redit (quoiqu'à remonte-temps) la prière d'un autre afin de saluer ce Hasard « bienprévu » :

Oui... je sais ! mon Dieu, que Vous fîtes
Les nuits pour que je m'y endorme
Comme un enfant, après l'école,
Les devoirs et la soupe chaude,
Se couche dans son lit douillet
Pour Vous rejoindre dans son rêve.
Mais mon Dieu, comment le pourrais-je
Puisqu'aussi Vous avez permis
Aux bougies de réchauffer
Les petits poètes rebelles.
Regardez ! La mienne est si claire
À minuit, lorsque tout est calme,
Qu'il faudrait être sacrilège
Pour souffler sur sa tendre flamme
Ou la cacher sous un boisseau.
Et puis, mon Dieu, pour tout Vous dire,
Son silence est si purifiant
Au creux de ma chambre-tanière,
Qu'il me semble, à la contempler,
Toucher de près Votre Présence.

Puis, relevant la tête et pour l'apprivoiser, je l'ai bien détaillée... cette imitation-là ! qui, en « escroqu'Hasard », trichait à qui mieux mieux toute droite, immobile, au mince du papier terne, et bien sûr éteint, de mon éphéméride ! Semblable à ses répliques alignées à Noël sur le plastique vert d'un cordon électrique, elle avait certes tout pour freiner mes élans. Cependant - oh ! miracle ! - loin de les étouffer, elle eut ce don curieux de les transfigurer.

En un bond de mémoire ainsi je fus portée au chœur de mon Église, où s'affairait « silence ! » - un jeune sacristain qui, par fidélité à noble tradition, venait de succéder à ses père et aïeux. À pas menus-feutrés il se glissait, diaphane, entre bancs, prie-Dieu, jusqu'à l'Immaculée, pour repiquer ici, à droite, un peu plus loin, une rouge bougie aux pieds de la statue. Par ses fins doigts semées au froid des marbre-dalles, puis soudain allumées en vibrantes corolles, elles me rappelaient ces coquelicots-feux, chatouillant à l'été la blondeur des froments.
Ce qui m'impressionnait - vu qu'en ce souvenir je n'avais que six ans - c'étaient cette attention, ces soins tout paternels dont les gratifiait le Maître Sacristain. L'une d'elles penchait, tendre, il la redressait. Une autre vacillait, dès lors il l'éteignait, vérifiait sa mèche et la ressuscitait en l'embrasant, plus belle. Si ségouttait la cire un peu trop en coulures - signe d'un gros chagrin ! - patient il épongeait les indiscrètes larmes, comme s'il ne voulait que des flammes joyeuses.

… c'est alors - ô ! mon Dieu ! 
que de Votre Personne, 
Votre Tiers Esprit Saint 
S'est envolé, Colombe,
pour Se superposer
à l'humble sacristain.

D'un regard j'ai saisi toute la différence entre bougie en cire et chandelle électrique... entre être humain de chair, de sang, d'âme et de cœur... et robot connecté au Grand Ordinateur (qui est au ciel, dit-on !).
Debout les yeux ouverts, faisant face au dessin de mon calendrier, tout haut j'ai remercié le Sacristain des âmes, attentif à ma flamme et lui redonnant Vie
          … maintenant. À jamais. Pour les siècles des siècles.
Marie-Claude Pellerin
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