21 DÉCEMBRE BOUGIES
Aquarelle : Jean-Michel Folon Quelle aubaine, vraiment ! moi qui n'en
avais plus depuis la veille au soir, de trouver ce matin, toute neuve, allumée,
une blanche bougie en mon calendrier. Pèlerin attendri de tant de prévenances,
à genoux j'ai redit (quoiqu'à remonte-temps) la prière d'un autre afin de
saluer ce Hasard « bienprévu » :
Puis, relevant la tête et pour l'apprivoiser, je l'ai bien détaillée... cette imitation-là ! qui, en « escroqu'Hasard », trichait à qui mieux mieux toute droite, immobile, au mince du papier terne, et bien sûr éteint, de mon éphéméride ! Semblable à ses répliques alignées à Noël sur le plastique vert d'un cordon électrique, elle avait certes tout pour freiner mes élans. Cependant - oh ! miracle ! - loin de les étouffer, elle eut ce don curieux de les transfigurer. En un bond de mémoire ainsi je fus portée au chœur de mon Église, où s'affairait « silence ! » - un jeune sacristain qui, par fidélité à noble tradition, venait de succéder à ses père et aïeux. À pas menus-feutrés il se glissait, diaphane, entre bancs, prie-Dieu, jusqu'à l'Immaculée, pour repiquer ici, à droite, un peu plus loin, une rouge bougie aux pieds de la statue. Par ses fins doigts semées au froid des marbre-dalles, puis soudain allumées en vibrantes corolles, elles me rappelaient ces coquelicots-feux, chatouillant à l'été la blondeur des froments. Ce qui m'impressionnait - vu qu'en ce souvenir je n'avais que six ans - c'étaient cette attention, ces soins tout paternels dont les gratifiait le Maître Sacristain. L'une d'elles penchait, tendre, il la redressait. Une autre vacillait, dès lors il l'éteignait, vérifiait sa mèche et la ressuscitait en l'embrasant, plus belle. Si s’égouttait la cire un peu trop en coulures - signe d'un gros chagrin ! - patient il épongeait les indiscrètes larmes, comme s'il ne voulait que des flammes joyeuses.
D'un regard j'ai saisi toute la différence entre bougie en
cire et chandelle électrique... entre être humain de chair, de sang, d'âme et
de cœur... et robot connecté au Grand Ordinateur (qui est au ciel, dit-on !). Debout les yeux ouverts, faisant face au dessin de mon calendrier, tout haut j'ai remercié le Sacristain des âmes, attentif à ma flamme et lui redonnant Vie … maintenant. À jamais. Pour les siècles des siècles.
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