Noël / Pèlerin de l'Avent /

13 DÉCEMBRE PLI URGENT

Publié le 06/02/2025 par Modotre
Cher Père, cher Fils, cher Saint Esprit,

Cette fois-ci c'est décidé ! Je dois vraiment Vous en parler. D'autant plus que, dans cette affaire, c'est justement Vous Trois en Un les principaux intéressés. D'ailleurs, ça fait depuis toujours que j'aurais dû Vous confier mes houleux désenchantements. Mais ! Vous savez comment on est : on prie l'Autre, on prie l’Un, tout en oubliant l'essentiel, jusqu'au jour où, à cran, on craque, devant Vous pour un cœur à Cœurs.

Moi, voyez-Vous, c'est ce dimanche... ou plutôt non ! Mieux vaut pour nous que je remonte à samedi, au carnotzet, où Vous aussi - je m'en rappelle - étiez présents, souvenez-Vous ! avant le Bénédicité ! et même après, évidemment !
Nous célébrions... mais quoi, au juste ? Ah oui ! pardi ! Rien n'est plus sûr : les quarante ans tout frais sonnés de Frédéric, dit « le zouave » ! Et c'est vrai que ça lui va bien ! Zouave et pitre il n'est heureux que lorsque ses amis rigolent !
Pour rire, on a bien ri ce soir ! A s'en faire éclater la rate ! C'était si gai, tellement fête ! Peut-être un peu comme à Cana, ou chez Zachée, ou chez Levi... hormis qu'on n'a pas eu le pot de Vous voir changer l'eau en vin.
Passé minuit on s'est quitté, pas trop longtemps, heureusement ! puisqu'à neuf heures et demie pile, on allait tous se retrouver pour vivre un saint culte en famille. Enfin : celle de Vos enfants.

Après le coq ce matin-là, c'est la clochette or et argent de mon joyeux calendrier qui m'a tintinnabulé l'heure
-  presto, je me suis préparée;
-  zut, flûte ! encor’ tombait la pluie !
-  mais baste ! y'allait avoir du monde !
D'abord Vous Trois ! et puis les autres. Comme hier au soir, ce serait fête !
           ... oui mais ...
Lorsque je suis entrée au cœur de la chapelle où déjà dansaient, clairs, les cierges de l'Avent...
           lorsque je suis entrée,
           comment Vous l'expliquer ?
 
Bien sûr, ils étaient là : Alain, Josette et Jean. Pas un d'eux ne manquait. Mais leurs têtes - ô ! mon Dieu(x) ! - la tête qu'ils tiraient ! Tenez ! le Frédéric : on aurait dit qu'hier, ce n'étaient pas ses ans que nous avions fêtés... mais plutôt sa maman qu'on avait enterrée !
Regardant le cadran - pour ne pas grignoter un bout de Votre temps - Jean-Claude à la demie est monté sur la chaire. Le cou un peu coincé par sa cravate rouge, il a dit, solennel, et, ma foi, sans sourire :
« Bienvenue à chacun ! Sentez-vous accueillis, au nom du Dieu Très Haut !
        … (moi, Vous me connaissez ! mon sang n'a fait qu'un tour ! puisque Vous
             promettez que là où deux ou trois se trouvaient réunis en Votre Triple
             Nom, Vous étiez tout près d'eux.)
Alors on a chanté des cantiques empreints d'une joie d'outre-église, en veillant que nos lèvres, crispées à huit heures vingt, n'indiquent pas, fofolles, trop tôt les dix heures dix ouvrant à Vos petits les portes d'évasion du culte de l'enfance. Ensuite on a prié :

Notre Dieu, notre Père,
Oh ! oui ! c'est bien À CAUSE
De Ton nom trois fois saint
Que nous nous retrouvons
Dimanche après dimanche
Pour continuer tous
Et sans fin de Te dire...
Que c'est aussi ? À CAUSE
De Ton parfait salut
Que lavés nous marchons
Sur cet étroit chemin
De Ton éternité
 
... (quand bien même et ceci, GRÂCE à Ta bienveillance, nous nous tordons les pieds
     ou glissons quelquefois sur des peaux de banane.)

Cher Père, cher Fils, cher Saint Esprit,
J'arrête ici ma lettre. Elle risque, aigrelette, de tourner au pamphlet et ce n'est pas mon but.
Ma question, la voici : comment ressentez-Vous nos cultes du dimanche ? Vous sont-ils agréables, comme le doux parfum dont Marie-Madeleine oignit Vos pieds, jadis ? Ou peut-être... Qui sait ?
Entre nous, pour ma part, ils affligent mon cœur à tel point que souvent, je croule sous le poids du découragement. J'avoue aussi qu’inapte à suivre au mot à mot d'insipides rengaines - qu'on ne chanterait pas à son meilleur ami - je relis sur mon banc les « saintes rajoutures », collées après l'Index de mon épaisse Bible. Dans l'une on lit ceci :

DIMANCHE

Jour imprégné d'ennui courtois,
De baisemains, de plats sourires;
Jour empesé, petit bourgeois
Où les élus dans leurs délires

Ânonneraient n'importe quoi
Pour augmenter le mal à l'aise
Dans un faux ton qui va de soi.
Jour factice, anti-catéchèse

D'un petit poète obligé
De rester là, pour le « paraître »
Alors que là-bas sur le pré
Il voit dimanche à la fenêtre...
 
Dans l'impatient désir d'une Triple réponse...

PS : J'ai déjà préparé la crèche pour Noël ! Les santons de Provence et Votre pèlerin se feront une Joie d'y souper avec Vous.


Marie-Claude Pellerin
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