RATISSAGE AUTOMNAL
Là où j'habite il y a un pré, des plate-bandes où les lavandes parfument à l'été mon espace gorgé de vie et de soleil. Là où j'habite, également, j'ai des voisins qui, par temps chaud, vont s'asseoir sous un vieux tilleul bien plus âgé que leurs parents : un gigantesque tilleul dont les grands bras démesurés font de l'ombre à... mes bleus massifs ! Jusque là, rien d'exceptionnel si ce n'est que, quand vient l'automne, les feuilles de l'arbre séculaire atterrissent immanquablement sur ma pelouse et mes parterres ! « Fort bien ! Fort bien ! » me direz-vous ! « Vivent les feuilles mortes à l'automne ! C'est de l'humus pour l'avenir ! » Oui mais voilà : ce colosse antédiluvien est bien malade... depuis le temps ! Et ses feuilles dans mes plate-bandes sont un engrais empoisonné ! L'autre jour, armée de patience et d'un fin râteau-éventail, j'ai donc ratissé avec soin. Et, au gré de ce long travail, des pensées poussées par le vent ont atterri... dedans ma tête : « Certes, ce vénérable tilleul en a vu défiler des jours : des jours d'orage, des jours de vent, des jours paisibles au doux soleil. S'il pouvait parler, me transmettre, les fruits de sa longue expérience, je deviendrais... Mais quoi, en fait ? Un peu plus sage et plus patiente... sans aucun doute, j'en ai besoin ! Mais à part ça... Aujourd'hui, malheureusement, ce « patriarche » est mal en point. Et c'est à moi, au gré du vent, de discerner ce qui, de lui, risque d'étouffer mon lopin... »
Ainsi, de rêveries en idées sages, en suis-je venue, au ras du sol, à une conclusion « terre-à-ciel » : · ratisser proprement les feuilles pour oxygéner l'herbe vive... c'est comme passer un fin râteau sur les feuillets de l’Évangile, afin de redonner du Souffle à ses paroles gorgées de vie ! Et, comme on ne coud pas un vieux morceau de drap usé pour rehausser un habit neuf, j'ai à veiller que la doctrine de mes honorables ancêtres, n'étouffe pas les fleurs sauvages de mon jardin en devenir...
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