2 DÉCEMBRE SOS ENFANTS...
« Vous
dites : c’est fatiguant de fréquenter les enfants. Vous avez raison. Vous
ajoutez : parce qu’il faut se mettre à leur niveau, se baisser, s’incliner,
se courber, se faire petit. Là, vous avez tort. Ce n’est pas cela qui fatigue
le plus. C’est plutôt le fait d’être obligé de s’élever jusqu’à la hauteur de
leurs sentiments. De s’étirer, de s’allonger, de se hisser sur la point des
pieds. Pour ne pas les blesser. » Janusz Korczak : « Quand je redeviendrai petit » Cette fenêtre-là, porte l'aurais voulue ! ouverte à deux battants sur de vastes maisons sans verrous ni volets et d'où, malgré l'hiver, fredonne la lumière. Mais - « cesse de rêver ! » - elle était tout, sauf porte ! Pas même soupirail. Éclaboussée de honte, elle avait l'impudeur d'un judas de cachot d'où l'on peut épier sans être concerné. Toute noire, étriquée, elle offrait en pâture aux violeurs d’innocence et aux voleurs de pain, des enfants par millions qui, piètrement drapés de ternes couvertures, se tenaient par la main, les yeux tendus vers moi. Leurs prénoms Michaël, Bianca, Étienne ou Beth, bouillonnaient dans mes veines en torrent de révolte. Ils venaient des enfers où la guerre assassine, où la misère étouffe, où l'étranger déflore. Sans abri ni paillasse, ils dormaient au hasard : dans la rue, sous des porches, au puant des ordures. Pour survivre ils mendiaient, chapardaient ou vendaient jusqu'à leur dignité. Leurs parents nourriciers ? Tués par ceux d'en face ou bien trop démunis, soûls du soir au matin, bref... allez donc savoir !? D'un seul coup j'ai revu ce camion renversé au bord de la grand'route de mon pays nanti, vomissant sur béton son trop-plein d'occident : canards, poulets et dindes, lapins frais tout farcis... ... « Ne les ramassez plus ! C'est pas votre boulot ! Ils sont tout juste bons pour l'incinérateur ! »
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