Noël / Pèlerin de l'Avent /

12 DÉCEMBRE B.A.

Publié le 06/02/2025 par Modotre
12 DÉCEMBRE 1964 :

« ...n'oubliez pas, surtout, de dire avant d'entrer : « Joyeux Noël, Madame ! » - « Joyeux Noël, Monsieur ! » Il faut que les gens sentent, en ce douze décembre, que la Joie de Noël existe aussi pour eux. Même en leur solitude ! »
Foulard autour du cou, chapeau rond sur la tête et guitare à la main, on a dit : « Oui ! Cheftaine ! » et, groupées en patrouilles, nous avons entrepris, en braves Éclaireuses, notre mission « B.A. » (en français : Bonne Action)..
    … qui pour moi a pris fin en milieu de parcours. Je n'ai pas supporté !

« Pourtant le sapinet, cheftaine, il était beau ! doré de son étoile au bleu de la bougie. Et nos chants : ils vibraient ! lorsque nous reprenions presque sans dérailler, les refrains dans le ton donné par la guitare ! Que s'est-il donc passé ? C'est à n'y rien comprendre ! La dame était heureuse... en tout cas, au début, quand nous sommes entrées en son coquet logis. Et puis : au fil de l'Évangile où nous lisions les mots de Luc (chapitre deux) racontant la naissance, il y eut, dans son regard, ce « je n'sais quoi » d'étrange où nous avons perçu... non pas le doux reflet de la flamme en ses yeux, mais des larmes-chagrin s'accrochant à ses cils.
Au bout de trois quarts d'heure (« excusez-nous Madame, il faut que nous voyions le Monsieur du troisième et une grand-maman habitant l'autre rue, nous avons pris congé sans oublier, bien sûr, de lui réitérer nos vœux, et cetera. Alors, mouchoir en main pour tamponner son nez, elle a dit d'un ton las et sans même un sourire
« C’est ça ! Allez-y vite ! C'est déjà bien gentil d'avoir pensé à moi ! Reprenez le sapin : il me fait trop de peine ! Vous pourrez l’allumer lorsque vous fêterez Noël en vos familles ! »

D'abord très étonné tandis qu'il nous ouvrait, de ne pas se trouver face à un colporteur prêt à franchir son seuil, le Monsieur du troisième hésita un instant à nous laisser entrer. Puis, soudain attentif à la branche de houx que nous lui destinions, il marmonna, songeur, en haussant les épaules :
« Noël ! Ah oui, c'est vrai ! J'oubliais, c'est bientôt ! Mais pour moi, vous savez, ça n'a pas d'importance, vu que je vis tout seul. Le fêter ! Moi aussi ! Non mais... vous me voyez décorer MON sapin et arroser MA dinde en me brûlant les doigts, afin qu'elle croustille à souhait sous ma dent ! Et d'ailleurs, parlons-en de la dinde farcie aux moelleuses châtaignes ! La mangeant sans un mot face... à qui ? à personne ! mon piètre réveillon me ferait le dindon d'une farce... et attrape ! »
« ...tout comme nos B.A., cheftaine - excusez ma franchise ! - ou plutôt, nos BA-vures ! Car, soit dit en passant : ne ferions-nous pas mieux de visiter les gens (qu'on appelle... « isolés ») le trente-et-un juillet ou le vingt-six avril ? Sans sapin ni bougie ! 
Bâtisseuses d'amour avec, en nos mains nues, rien d'autre à partager qu'une fête inventée au verso de l'ennui, n'éviterions-nous pas sept fois de retourner dans des plaies-souvenances, les lames en bévues accrochées, à l'Avent, aux fourreaux des poignards ornant nos ceinturons ? Croyez que, pour ma part, je vais y réfléchir ! »

PLUSIEURS NOËLS (et cheveux blancs) PLUS TARD

Pèlerin de l'Avent au terme du voyage indiqué par l’Étoile, en ma cité je erre, un peu déboussolé comme les trois Rois Mages à la quête d'un Roi. À défaut de Palais où mander mon chemin, et bien que présageant leurs hâtives réponses, tour à tour je questionne, à l'heure où vient le soir, les passants encombrés de paquets chatoyants : 
« Avez-vous vu l'Étable, ouverte aux quatre Vents pour accueillir bergers, esseulés et Rois Mages, à rencontrer l'Enfant ? »
  « … des bergers ! une étable ! Pèlerin, mais... tu rêves ! Où veux-tu les trouver au
        milieu des maisons, des jardins et des banques ? »
  « … hé ! Ho ! Mais ça va pas ? De qui te moques-tu ? »
  « … une étable ! Oui, sans doute ! À quelques kilomètres, au hameau dépeuplé ! »
  « … une étable ! Ah ! je vois ! Tu recherches un Lieu Saint où l'on exalterait la
        Divine Naissance ! Regagne ton foyer, réveillonne en famille et rejoins-nous au
        Temple, à vingt-trois heures pile ! D'ailleurs tu entendras sonner le carillon,
         rappelant aux chrétiens l'heure... exacte ! du Culte l »
 
Ô Dieu !
Le Temple et puis l'Église,
Le Culte ou bien la Messe, 
Qu'importe, je dis « oui ! »
Du profond de mon âme.
Mais avant de m'y rendre
Et d'entonner, unie
 À Vos Terriens enfants,
Un Divin Gloria

... oh ! combien j'aimerais qu'au simple d'une Étable ouverte aux quatre Vents, nous
    chantions tout d'abord cette Joie de Noël avec toutes les dames aux yeux
    brouillés de larmes, et les messieurs mangeant... leur farce sans un mot !
... même sans dinde, ô Dieu ! mais avec bon vouloir, j'imagine une ville où filles et
    garçons (anges des temps modernes aidés de leurs parents) s'en viendraient
    tapoter sur leurs tristes épaules et suggérer, tout tendres, au creux de leur
    oreille :
    « Enfilez vos manteaux et venez avec nous en ce soir du vingt-quatre ! Nous
       serons les bergers d'un fabuleux Noël ! Et tant pis si l'endroit où nous vous
       conduisons n'est qu'une... Grande Salle ! Nous ferons comme si elle était une
       Étable, pour recevoir ensemble, en nous donnant la main, un cadeau prodigieux :
       l'Enfant-Dieu Nouveau-Né ! »  
… nous garnirions des tables, un sapin, un Buffet, et sans signe évident d'étroite
    parenté en un registre inscrite, enfants d'un même Père nous vivrions, ce soir-là,
    un Noël en famille.
...  à l'heure où les petiots bâilleraient de sommeil - et pour garder intact le vibrant
    souvenir d'une flamme allumée au vivant de nos yeux - un apprenti-poète offrirait
    à la ronde un petit texte écrit, sans grande prétention, sur papillon-couleur :

Par delà l'éclat trafiqué
D'un faux Noël préfabriqué
Arrêtons-nous.... le temps d'aimer.

Par delà les petits souliers
D'un pauvre Noël maquillé
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Par delà les soucis d'argent
Par delà le deuil d'un parent
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Par delà les cris et les pleurs
Par delà l'angoisse et la peur
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Par un regard à nos voisins
Par un sourire, comm'ça, pour rien
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Pour recréer et retrouver
Le vrai Noël que vous savez
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Pour que nos yeux soudain pétillent
A la clarté d'une bougie
Arrêtons-nous... le temps d'aimer.

Le temps de L'aimer Lui
Qui veut en cette nuit
Apaiser notre vie;

Le temps de L'aimer Lui
Qui, dans un cœur à Cœur
Veut nous dire... veut me dire :

Arrête-toi.... le temps de m'aimer
Arrêtons-nous... le temps de nous aimer.
Marie-Claude Pellerin
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