Noël / Pèlerin de l'Avent /

22 DÉCEMBRE PETITE HISTOIRE DE PORTE...

Publié le 08/12/2012 par Modotre
À l’âge où j’alignais toutes rondes les billes aux tringles du boulier pour apprendre à compter, je récitais – « facile ! » - les numéros par cœur jusqu’à cinquante… au moins !
En revanche les lire – car écrits en arabe aux dires de mes frères – s’avérait à mes yeux de gosse de cinq ans, tout aussi périlleux que la résolution d’un rébus en chinois ! Dès lors, rien d’étonnant qu’en face des carreaux de mon calendrier, ma mine s’engrimace : tous ! ils se ressemblaient !… sauf en leur gribouillis, censé me désigner le favori du jour !
Têtue en ce temps-là et de surcroît « p'tit’ sœur » de deux aînés moqueurs, j’avais, pour aggraver ma fâcheuse ignorance, cette insigne fierté de ne solliciter aucune aide entraînant ce narquois quolibet :
« Elle est analpha-bête ! »
Ainsi donc – « am-stram-gram » - c’est au petit bonheur que j’ouvrais, polyglotte, les fenêtres arabes et chinoises à la fois !
Qu’ « un » devienne « dix-sept » et « douze » « vingt-et-un » ne m’incommodait guère, du moment qu’angelots, ânes gris et agneaux n’éclataient pas de rire !
Cependant fréquemment, et afin de soigner mon image « intello », j’allais me pavaner sous les calendriers de la chambre des grands, pour pointer mon index pile en leur beau milieu où, parmi les carreaux, un seul était, miracle ! une porte s’ouvrant à deux larges battants qui, sauvant mon honneur, me permettait ainsi de la leur désigner et d’affirmer, savante :
« Celle ci c’est la vingt-quatre ! Faut l’ouvrir en dernier autrement c’est d’la triche ! »


Savourant mon succès, je retournais alors au nid de ma chambrette où MA… porte vingt-quatre, hermétique, attendait !
« Et si je guignais juste, en soulevant le coin !
Malheureuse ! Fais pas ça ! C’est vilain de tricher ! »
Avec tout le recul imposé par les ans, je me dis aujourd’hui que j’aurais dû sortir et m’ébattre au jardin pour changer de décor. Non ! Au lieu de cela, avide je fixais, à m’en user les yeux, l’huis de la tentation !

C’est pieds nus un matin, afin d’atténuer les craquements témoins de mon plancher disjoint, qu’à petits pas fautifs sur jambes en coton, j’ai marché tête basse jusqu’à…
« …et si ça brûle ! Si ça fait un gros « bouh ! ».
Sans frapper ni attendre
                               j’ai forcé, ô ! mon Dieu ! 
                               la porte de l’Étable où m’a souri l’Enfant,
                               éveillé par mes pas.
                               Sans un mot Il m’a dit, du clair de Son regard :
                               « Entre donc, assieds-toi !
                                  nous mangerons ensemble ! »

Après tous mes Avents où curieuse je guigne encore un peu… souvent… sous la porte vingt-quatre à mon calendrier,
                               me revient en mémoire 
                               ô mon Dieu ! chaque fois,
                               cet appel en supplique 
                               de Votre Fils aîné, 
                               fixant passionnément,
                               à S’en user les yeux,
                               l’huis de nos cœurs fermés sans jamais les forcer…
                               « Car voici : je me tiens 
                                  à la porte et… je frappe ! »
                               … pareil à un mendiant,
                                  sans domicile fixe !
                                 Aux jours d’agitation précédant Sa naissance, 
                                 oserais-je, ô ! mon Dieu ! souffler à Votre Fils :
                                  « Frappez encor', Seigneur !
                                     oui, de grâce frappez 
                                     un tantinet plus fort… 
                                    
... afin qu'après la fête, aucun petit poète, écœuré, n'ose écrire :

Ont englouti pour la Noël
Cuisses et « ailerons » de dinde,
Bombe glacée au caramel
Et – ventre plein le cœur se blinde –

Ont été jusqu’à oublier
Le « pourquoi » de cette bombance.
Lorsqu’à minuit le sablier
Discret annonça la naissance,

Ivres-morts sont allés coucher
Sous les draps leur indifférence,
Laissant dans la nuit grelotter
L’Enfant leur offrant Sa Présence.
Marie-Claude Pellerin
Choisir votre prochaine destination :
Texte précédent Retour en haut Texte suivant