Noël / Pèlerin de l'Avent /

19 DÉCEMBRE PÂTISSERIE ANGÉLIQUE

Publié le 07/02/2025 par Modotre
 
Cannelle et orangeats
Noix de coco - vanille
Girofle et cassonade
Noix et dattes + figues 
Chocolat - margarine...
je crois bien que c'est tout ! Maintenant, « y'a plus qu'à ! »

J'avais dit : « ce Noël, pas de petits biscuits ! »
Mais bien sûr Allégra - encore et toujours elle ! - avait, mi-moraliste, éveillé ma conscience
« Mais maman, réfléchis ! Un Avent sans biscuits, et, scandale ! sans l'effluve épicée embaumant la maison ! Pense à la tradition ! On n'a pas l'habitude ! »
Comment lui résister ? D'autant que l'autre jour m'était tombé des nues, par poste interposée, un guide «  hyper-malin » sur les mille façons de remuer la pâte en gardant les doigts propres, et divulguant, en prime, une astuce infaillible évitant qu'elle adhère à mon plan de travail. Il suffisait d'y croire !

Tout de même en râlant, j'ai enfilé ma veste et empoigné mon sac pour m'en aller cueillir – « sam'di ! c'est d'la folie ! » - les précieuses épices au Centre Commercial... Que dis-je ? Bric-à-brac ! Chapiteau de kermesse ! Piège pour claustrophobes ! Surtout que, cette année, le gérant a fait fort ! Dès le hall, à l'entrée, une verte forêt de sapins finlandais nous met vite au parfum d'un Noël imminent. Sans la caisse à dollars trônant à son orée, peut-être qu'inspirée en plein chemin d'Avent l'aurais-je dite : « belle, poétique et sylvestre ! », jaillie en une nuit du dallage en jachère. Mais ? Où nous apprend-on que « l'appât du gain » rime avec « mon beau sapin » ?
M'agrippant au chariot (« c'est deux francs le dépôt ! »), j'ai alors entrepris ma folle expédition. Et lorsqu'avant les fêtes apprentis et vendeurs ont pipé le parcours - déménageant en haut ce qui logeait en bas et recasant à droite étalages de gauche - mieux vaudrait s'équiper d'une bonne boussole avant de s'engager en traître labyrinthe. Piètre succédané je n'avais, pour ma part, que le plan chiffonné de ma liste d'épices.
     ... cassonade   ?   en amont        !   eh bien non ! en aval     ! 
         chocolat     ?   tout au fond   !   depuis hier, à l'avant   !  
         orangeats   ?   et puis « zut   !   je reviendrai lundi       ! »
 
J'ai garé mon chariot, empoché mes deux francs, bousculé un bonhomme, présenté mes excuses, enjambé un pousse-pousse, acheté un gros pain, lâché mon portefeuille, pesté entre mes dents, ramassé mes billets, oublié mon gros pain, fait « coucou » à Mireille, ressorti mes deux francs, glissé la ronde pièce au fond du noir chaudron de l'Armée du Salut, évité de justesse un gamin à « rollers », suçoté un bonbon, renoncé à choisir des étoiles dorées (trop de monde à la caisse !), contourné les sapins sans en renverser un, attendu que le gars rassemblant les chariots libère le passage entre ascenseur et porte, réajusté mon sac sur mon dos de mulet, fermé mon anorak, enfilé mes mitaines, franchi le premier « sas » menant vers la sortie, repris mon souffle et dit : « ‘faut vraiment que j'les aime, ces sacrés garnements... », avant de me coincer dans l'étroit tourniquet de ma libération.

Après le tintamarre entêtant du drugstore interférant fanfare, grincements des caddies, hurlements des enfants, semonces des parents, appels des haut-parleurs, « Bonjour à votre femme ! », « Au revoir à demain ! », « Joyeux Noël à vous ! », « Pardon, excusez-
moi ! » « De rien, je vous en prie ! », éclats de rire au bar... non ! je ne rêvais pas ! 
À l'angle du trottoir, paisibles m'attendaient, deux anges musiciens célébrant ma sortie. L'un d'eux les mains gantées à mi-doigts (par ce froid !), m'entraîna de sa flûte aux lisières du Ciel, tandis que l'autre, assis, égrenait un à un les mots d'un long poème à fleur de sa guitare. Ignorant les passants, les voitures et le vent, longuement j'ai plané au calme de leurs voix. Il me semblait que Dieu, sensible à mes soupirs, les avait délégués pour me faire un clin d'œil. De service aux fourneaux, c'est comme en m'arrachant d'un presque Paradis que je les ai quittés, suivie au pas à pas de l'écho d'une valse.

L'ennui lorsque l'on vit près d'un supermarché, c'est, dès les premiers beaux jours, d'entendre aboyer par nos fenêtres ouvertes, les toutous attachés hors l'enceinte interdite à leurs museaux fouineurs. En revanche, aujourd'hui... « Pèlerin ! hâte-toi ! Tu pourras t'envoler en ratant tes biscuits ! »
D'un bond j'ai regagné ma « cuisine-chapelle », et, ouvrant son « vitrail », accueilli sous mon toit les notes angéliques. Grâce à elles milans, étoiles et sablés fleureraient bon les Cieux ! Seulement pour casser des œufs sur la farine à deux ou trois degrés figés au thermomètre, il est déconseillé de craindre la froidure. Après quelques instants, mes pieds battaient semelle et mes doigts raidissaient. Pèlerin contrarié mais loin d'être vaincu, je trouvai le remède à mes grelottements :
« Volume au maximum, j'écouterai Mozart ou... pourquoi pas ? Oui-i ! « CATS » ! à mon magnétophone ! »
Croira ou croira pas ! Les anges sont taquins ! À l'instant fatidique où j'allais, morfondue, condamner mon « vitrail »... les doux accents félins et lents de « Memory » par la flûte soufflés dans ma cuisine entrèrent. Non seulement les anges, attentifs à mon cœur, devançaient mes projets, mais - rigolant sous cape et en guise d'adieu - ils jouaient en duo mon extrait favori de ce « CATS » enchanteur.

Ô Dieu !
Merci d'avoir créé
des anges musiciens
et farceurs à la fois !
     ... aussi farceurs, en somme, que l'auteur du recueil de mes « conseils-attrapes » !
car :
à peine avais-je osé plonger mes mains glacées au moelleux de la pâte, que déjà mes dix doigts encollés se muaient... en ailerons de plâtre !
C'est ça l'humour de l'ange,
gardien des cuisinières !
Marie-Claude Pellerin
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